Publié par David Markezic

5à7 BUT GACO : Festivals de musiques actuelles, les publics et les bénévoles

Les festivals. Le 5à7 GACO permet de faire un point de situation sur les publics et les bénévoles, plus particulièrement sur les festivals de musiques actuelles. Aurélien Djakouane, Mathieu Sabarly et Philippe Berteaux apportent leur éclairage. L’universitaire et les deux programmateurs de festivals confirment que oui, les festivals ont plutôt bien survécus au Covid, qu’ils ont retrouvé leur public, qu’ils sont multiples et qu’ils répondent à des attentes différentes selon leur positionnement ou encore leur territoire. 

Un 5à7 estampillé Capitale Française de la Culture 2024 !

Pays de Montbéliard Agglomération - Capitale Française de la culture 2024

Sommaire

Le points sur les festivals de musique actuelle

Les festivals de musique : les chiffres

7 300 festivals sont recensés en France, dont 47% sont dédiés à la musique, 23% au spectacle vivant, 13% au livre et à la littérature, 10% au cinéma et l’audiovisuel et enfin 7% pour des festivals dits pluridisciplinaires (les inclassables). 

Les musiques actuelles comptent pour 41% des festivals de musiques soit environ 1 500 festivals par an. Ce nombre cache une extrême diversité, et les plus gros masquent tous ces festivals plus petits, à dimension plus locale ou sur des niches avec un public de festivaliers avertis. 

Aurélien Djakouane - Sciologue de la culture

Si les festivals de musique actuelle ont plutôt lieu l’été (47%), 34% sont proposés en avant saison et 19% en après saison.

56% des festivals accueillent moins de 5 000 festivaliers. Les très gros festivals représentent une toute petite partie de l’offre.

Le budget médian des festivals est de 50 000 €. Pour les festivals de musique actuelle, 11% d’entre eux on un budget de plus de 1,4 M€ alors que 55% d’entre eux se situent entre 20 000 et 170 000 €, 8% moins de 20 000 €.

Les gros festivals « emblèmes » (Hellfest, Vieilles Charrues, Eurockéennes, etc.) représentent 2% des festivals.

Y-a-t-il trop de festivals en France ?

Question posée à nos deux témoins.

Mathieu Sabarly considère qu’il n’y a jamais trop d’offre culturelle, mais il y a nécessairement un système qui est concurrentiel. Cette concurrence concerne les gros festivals entre eux, pour ceux de taille plus petite, ce n’est pas une concurrence directe. Concernant la Franche-Comté, c’est un territoire de coopération et de complémentarité en matière d’offre.

Philippe Berteaux, rejoint Mathieu, il n’y a jamais trop de culture. C’est bien qu’il y ait plein de festivals et que le festivalier ait le choix. Ce même choix va conditionner la viabilité économique des festivals. Il reste aux programmateurs de proposer la meilleure offre, ce sont en grande majorité les artistes qui font venir le public.

Quels sont les principaux défis à relever aujourd'hui pour les festivals de musiques actuelles ?

Mathieu Sabarly - Rencontres & Racines Audincourt

Le modèle économique d’un festival n’est pas évident avec des problématiques qui sont nombreuses. les coûts s’additionnent :

  • L’écologie et les investissements que cela nécessite, 
  • La sécurité, par exemple pour Rencontres & Racines ce sont 90 agents mobilisés,
  • Le coût des cachets artistiques qui limite les têtes d’affiche,
  • Des normes de plus en plus drastiques.

Le coût des prestations qui augmente avec un pouvoir d’achat qui diminue, c’est un véritable défi pour les festivals de taille moyenne. Les plus petits festivals, avec des coûts moindres peuvent parfois mieux s’en sortir, de même pour les gros festivals qui peuvent encore programmer des gros artistes « populaires ».

Le public des festivals de musiques actuelles

Philippe Berteaux - La guerre du son - Landresse

Quelques mots sur la sociologie du public des festivals avec Aurélien Djakouane;

Ce sont environ 11 millions de personnes qui sont allés au moins une fois dans un festival.

Pour les festivals de musiques actuelles, le profil type est le suivant :

  • 58% de femmes
  • 72% habitent la région
  • 66% ont fait des études supérieures
  • 34,5 âge moyen
  • 61% d’actifs
  • 26% d’étudiants
  • 50% de classes supérieures, 38% moyennes et 12% populaires

En matière de pratique, 46% sont des nouveaux venus. Un vrai défi pour les festivals.

Ils sont déjà venus :

  • Festivals de jazz : 70% 
  • Musique classique : 68%
  • Musiques du monde : 68%
  • Chanson : 59%
  • Musiques actuelles : 54%

Quand on va la première fois dans un festival, on essaie de réduire le risque d’être déçu :

  • On ne vient pas seul, et encore moins dans un festival de musiques actuelles,
  • On connaît l’offre, au moins pour un ou deux artistes,
  • On ne reste pas trop longtemps.

On revient dans un festival pour :

  • L’ambiance, la confiance,
  • La dimension sociale,
  • La programmation devient relativement secondaire.

Dans un festival, on fait société, avec un comportement un peu différent de la vie de tous le jours.

Le public vient-il vraiment pour la programmation ?

Quand on interroge le public, oui, il nous dit qu’il ne vient pas expressément pour la programmation, mais la billetterie nous dit plutôt l’inverse. Certains festivals peuvent se permettre de ne pas faire du name dropping (« lâcher de noms », soit proposer des têtes d’affiche), mais ils ne sont pas si nombreux. Quand la programmation déçoit, les ventes s’en ressentent très vite.

Certains festivals tentent de ne plus s’appuyer sur des têtes d’affiche. Cela reste très incertain pour leur réussite. Mais il est vrai qu’à un moment donné on ne pourra plus se payer ces têtes d’affiche.

Si un festivalier sur deux vient pour la première fois, c’est bien la programmation qui reste le déclencheur. La moitié du chiffre d’affaires dépend des artistes.

Pour certains festivals les ventes ne sont pas corrélées sur la programmation (Hellfest, Paléo), ils sont peu nombreux, ensuite ce sont des festivals très spécifiques.

Les bénévoles ?

Sans bénévoles, pas de festivals. Ils représentent 60% des personnes mobilisées en moyenne. Avec des festivals sans bénévoles, et d’autres uniquement composés de bénévoles, mais ces derniers sont finalement aujourd’hui peu nombreux.

L’histoire d’un festival, c’est au départ, une histoire de bénévoles, autour d’un projet. Aurélien Djakouane relève trois visions décrites par les dirigeants de festivals :

  1. Originelle : le bénévolat est l’ADN des festivals,
  2. Instrumentale : une nécessité pour les festivals,
  3. Rejet : pas la place dans une entreprise culturelle professionnelle. Tout le monde doit être rémunéré.

Etre bénévole c’est aussi une expérience sociale très forte.

Le portrait robot du bénévole ressemble pas mal à celui du festivalier :

  • Une femme (64%)
  • 40/45 ans
  • Active
  • Très diplômée (73%)
  • Bénévole depuis 7 ans

La première motivation des bénévoles, c’est de rencontrer des gens différents, que l’on ne rencontrerait pas ailleurs. Cela peut aussi créer une amitié durable, ou simplement se retrouver chaque année.

Etre bénévole, c’est aussi voir un festival de l’intérieur, être utile en se mettant au service des autres, aider les autres, accomplir un geste citoyen ou encore répondre à une curiosité.

Nos témoins sur les bénévoles :

Philippe Berteaux explique qu’il y a trop de bénévoles  pour son festival, en mode fête du village. Avec humour, il y aurait moins de bénévoles, il y aurait plus d’entrées payantes. C’est important de valoriser les bénévoles qui viennent du territoire, et qui sont fiers d’accueillir du public.

Mathieu Sabarly est toujours bénévole occasionnellement. Certains peuvent abuser du bénévolat au détriment de salariés, de professionnels. Mais oui, sans bénévole, on n’y arrive pas. Pour Rencontres et Racines, ce sont 150 Bénévoles, essentiellement originaires en proximité. Il y a aussi les associations qui drainent des bénévoles, on en compte ainsi près de 900 sur le festival. Sur plusieurs postes, il faut des professionnels, avec les compétences requises. 

Questions Réponses avec le public

Philippe : l’expérience festivalier complète inclut la présence d’une bonne partie du public au camping. Cela contribue à l’appartenance à une communauté, au festival.

Mathieu : l’expérience festivalier est au coeur du festival. L’identité forte est un atout mais il faut mettre au centre l’expérience que vivra le festivalier. Il ne faut pas oublier de proposer les meilleurs services possibles, même les plus basiques (temps d’attente, propreté des toilettes, ombre quand il y a du soleil, abris quand il pleut, etc.) au risque d’avoir de l’insatisfaction.

Aurélien Djakouane : on pose deux questions. Cela permet de voir que l’on a 7/8% des gens qui viennent pour la première fois dans un festival, avec un public en général plus jeune.

Rencontres & Racines : on n’a pas encore retrouvé le public d’avant Covid. Mais il y a aussi un contexte sur l’inflation, l’Ukraine, etc. mais la tendance est bonne. C’est aussi un vrai challenge vers les primo festivaliers qui sont peut-être plus en ligne.

La guerre du son : le nombre d’entrée se maintient mais la consommation a fortement baissé (boissons, nourriture, merchandising).

Rencontres & Racines : oui il y a une vraie progression avec quelques centaines de places. Ce n’est pas beaucoup sur le total, mais c’est un plus, c’est gratuit pour des jeunes, avec un prix d’entrée bas ce qui ne « crame » pas le pass du titulaire. On a aussi une politique tarifaire très avantageuse (carte jeune, etc.).

Rencontres & Racines : nous prenons chaque année des stagiaires notamment de l’IUT Nord Franche-Comté dont des BUT GACO parcours MACAST avec des métiers variés sur la communication, la régie, la production, etc. Il faut être très polyvalent et autonome. On reçoit beaucoup de candidatures spontanées. 

Aurélien D. : la sociologie des publics montre que le public des festivals n’est pas le plus impacté par la crise économique. On note aussi pour une partie du public ce besoin « d’avoir été » sur un événement, de s’afficher sur les réseaux. Le festival est un moment exceptionnel pour pas mal de personnes, elles sont prêtes à faire des efforts pour se rendre au festival, même s’il faut limiter ses dépenses sur place, économiser, etc. Il y a aussi l’après Covid avec un besoin de consommation et d’expérience qui s’est exprimé.

Philippe B. : on ne parle pas des mêmes publics, certains peuvent dépenser 1500 € pour aller sur un week-end au Hellfest, et ce ne sont d’ailleurs pas tous des fans de heavy metal. Ces personnes là ne sont pas le public de la guerre du son par exemple.

Mathieu : je suis d’accord, mais je m’interroge aussi sur des artistes comme Ninho qui remplit un stade de France en deux jours alors que c’est un type d’artiste qui peut correspondre à celui de Rencontres & Racines, ou encore Kanye West qui vend des billets à 200 € pour un non concert. Oui, pour une partie du public, c’est faire le gros « truc » et dire « on y était ».

Aurélien D. : quand on fait une programmation, on peut penser avoir un discours politique (écologie, etc.), mais il n’est pas forcément lu de la même manière par le public. Des études ont pu le démontrer, avec un public qui vient d’abord voir un artiste. La situation d’enquête ne relève pas forcément la réalité. Par exemple si vous demandez « avez-vous lu récemment un livre ? », vous allez répondre oui… 

Mathieu : avec humour, mon public est écolo jusqu’à une certaine heure. Nous avons une niche de militants, qui peut notamment valider notre action ou pas. C’est à nous d’avoir des convictions, on ne fédère pas vraiment sur ces sujets.

Revivez le live du 5à7

La chaîne Youtube de l’iUT NFC vous met à disposition le replay. Retrouvez tous les sujets, le conférencier, les témoins et les questions du public. Merci à TimeProd pour la captation.

Focus sur les conférenciers

Philippe Berteaux

Directeur général associé du Groupe Estimprim, expert marketing, imprimerie et communication digitale. C’est un passionné de musique. Il est partenaire mais aussi le mécène de différents festivals et de salles de musiques actuelles de la région Franche-Comté. Philippe Berteaux est un membre actif du groupe de réflexion sur l’avenir du festival détonation en plus d’être programmateur du festival La guerre du son.

Aurélien Djakouane

Sociologue, Maître de conférences à l’université de Paris Nanterre et chercheur au Sophiapol. Ses recherches portent principalement sur les transformations des pratiques culturelles et professions artistiques, la territorialisation des politiques culturelles et la festivalisation de la culture. Il a récemment publié : Festivals, territoire et société avec Emmanuel Négrier.

Mathieu Sabarly

Directeur, coordinateur et programmateur du festival Rencontres et Racines et régisseur général des événements culturels de la ville d’Audincourt avec la programmation culturelle (exposition – spectacles vivants – musique – arts). PAST Maître de conférence associé à l’université de Franche-Comté et médiation culturelle – communication et image numérique. Il et également programmateur indépendant chez Mat&Sim et auteur de livres jeunesse.

La galerie photos

Retrouvez toutes les photos sur la page photothèque de l’iUT NFC

Le BUT GACO parcours MACAST

Le Bachelor Universitaire de Technologie se prépare en 3 ans dans un IUT. Le BUT GACO, Gestion Administrative et Commerciale des Organisations, propose trois parcours dont le parcours MACAST : Management des Activités Culturelles, Artistiques, Sportives et de Tourisme.

L’orientation retenue par le BUT GACO de Montbéliard est celle de la culture et de l’événementiel. Cette orientation du Bachelor s’explique par l’historique de la licence professionnelle MOSEL qui a existé de 2008 à 2023, spécialisée dans l’événementiel culturel. De très nombreux partenaires du domaine interviennent dans la formation, et accueillent des étudiants en alternance, en stage ou encore pour l’insertion professionnelle.

Ce sont des étudiants du parcours MACAST qui ont préparé ce 5à7 sur les festivals de musiques actuelles.

Pour en savoir plus sur le BUT GACO parcours MACAST

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